Les deux écoles initiées par Franco et Kallé-Rochereau à ce jour sur la sellette
Les pionniers et précurseurs de la discipline d’Orphée ? Nous les dénombrions sans peine, par rapport à notre temps. Demain ou au surlendemain, la génération se clamant d’aujourd’hui aura connu irrévocablement à son tour les siens. A condition que l’histoire, celle de notre musique, ne soit guère tronquée. Si hier en Europe ancienne, les différentes branches musicales apparaissaient sous tendances pléthoriques, c’est parce que, celles-ci se traduisaient en musique grégorienne, baroque, le plain-chant et autres sonates, constate…Chez nous après, la pratique routinière de la musique folklorique et vocale dans les années 40 lesquelles servaient à l’animation de nos fêtes jadis, Kinshasa avait fini par découvrir une autre face évolutive de musique par Antoine Wendo. Tandis qu’aux fins fonds du pays à Elisabethville (L’shi) située à 2000 «lieues » de la capitale carillonnait aussi un son revendicatif de cloche de soi-disant que le vrai autre patriarche de la musique congolaise n’entendait par Jean-Bosco Mwenda, le guitariste chanteur qui séduit dans les bons vieux temps des colonies les Américains chez eux.
Certes, avant l’indépendance, il eut dans notre paysage musical des figures de proue légendaires et géniales comme Antoine Wendo, Bukassa, Lucie Eyenga, Camille Feruzi, D’Oliveira, Georges Edouard, Jean-Bosco Mwenda, Adou Elenga, Henri Bowane, Paul Mwanga, etc. Dans cet éventail d’artistes, ce fut Adou Elenga né en 1921qui retint plus l’attention du colonisateur et des indigènes par sa chanson « prophétique » « Ata N dele » (Tôt ou tard), une œuvre préludant les éventuels vents des indépendances africaines. Quelques années plus tard, en 1960 à la table ronde de Bruxelles, Grand Kallé notre plus grand chantre nationaliste interprétera « Indépendance cha-cha » de Roger Izeidi avec son African Jazz. Resté mémorable à tout jamais dans notre histoire, cet hymne d’indépendance fut suivi grâce à son esprit fécond par d’autres chansons à caractère patriotique invitant les Congolais de s’aimer et de sauvegarder l’unité nationale. Ce fut au cours de cette période là que Kallé, toujours animé de folle passion d’innovateur, introduira la batterie dans notre musique avec le concours du drummer belge Charly. Toujours dans l’African Jazz, le piano, le xylophone fera aussi leur irruption avec le camerounais Manu Dibango.
Coup de théâtre
En 1963, l’African Jazz explose… Après s’être révélé comme le meilleur par sa danse Cara-C ara et par sa rumba « érotique » Odemba, Franco sortit de sa coquille et prit une option téméraire en célébrant fastidieusement dès 1965 les années révolutionnaires de Maréchal-Timonier par des titres ronflants et flatteurs tels que « Cinq ans ekoki », « République du Zaïre », « Tolanda nzela moko », « Belela authenticité na congrès ya MPR ». Ces œuvres partisanes feront du chef de file de l’OK Jazz un musicien engagé au régime, mobilisateur des masses et très apprécié de tous les militants. A ce folklore s’ajoutera l’animation culturelle visant à sensibiliser les acteurs politiques à travers la chanson révolutionnaire dont les émanations prôneront le slogan historique « heureux le peuple qui chante et qui danse ». En offrant au peuple cette musique d’animation emprunt des poésies patriotiques, d’exaltation de la patrie et de son gardien le Maréchal Mobutu, Franco entendait confirmer également la politique du recours à l’authenticité déjà implantée au pays. Ce fut alors le temps du renouveau culturel zaïrois idéalisé par la chanson. Aujourd’hui cette ère est tristement révolue. Une autre génération beaucoup plus ambitieuse, entreprenante, désengagée s’impose dans le cadre d’une nouvelle dynamique démocratique.
Toutefois, s’il faudrait évaluer les cinquante dernières années qui s’évanouiront bientôt ce 30 juin 2010, personnes ne vous contredira en affirmant qu’elles venaient d’être dominés sans conteste au trois quart par Franco et Rochereau proclamé à juste titre comme musicien du cinquantenaire. Signalons que Grand Kallé, formateur de Rochereau et principal initiateur de l’école appelée « Fiesta » depuis 1951 avait pris une retraite précipitée depuis 1969. Jusqu’à preuve du contraire, à présent, ces têtes d’affiche demeurent les seuls représentants de nos prétendues deux écoles de musique depuis des décennies. Ayant, eux aussi, vécu l’époque de la musique vocale laquelle donna accès à la musique instrumentale introduite au pays par les marins à Matadi et surtout par les Coast-men Ghanéen, Béninois, Sierra-Léonnais œuvrant en qualité de bureaucrates à Léopold-ville, lesdits précurseurs d’écoles eurent la chance de se ressourcer auprès de ces vétérans étrangers. Sur le plan rythmique, ces veinards musiciens de transitions ne forcèrent pas tellement leurs talents. Servis sur un plateau d’or, ils établirent simplement ainsi une heureuse jonction entre les générations coloniales à celles d’après l’indépendance en 1960.
Au-delà de certaines considérations philosophiques et sociologiques, durant ces cinquante ans, le Congo, le Zaïre puis la RDC connurent plusieurs mutations dans le domaine musical. Que ce furent Beguen-Band, Micra Jazz, Vedette Jazz, Dynamique Jazz, Kongo Jazz, Co Bantous, Vox Africa, Vox Négro, Ok Jazz, Négro Succès et même l’African Jazz réputé par son purisme musical, ces ensembles musicaux se complurent à jouer une seule « chose » comme ont en jargon du métier. Leur rythme fut identique mais le style différait. Bref, chacun de ces orchestres pouvait opter l’école de son choix. Soit la tendance Ok jazz, bien que jouissant d’une écrasante audience auprès des jeunes musiciens, il s’avère que le père de la musique congolaise Grand Kallé, trop « acculturé », s’inspirant beaucoup plus du schéma musical cubain et européen selon la mouture du chanteur français Tino Rossi en mettant en relief la beauté de la femme. Bon vivant et romantique, la beauté de la femme, en fait attirait Kallé comme aimant. Malgré ses humeurs désarmantes, cela ne l’empêchait jamais de la jouer dans sa musique fignolée et prisée d’ailleurs par notre jeunesse.
Quant à Franco, véritable homme de terrain, de 1956 à 1989, ce dernier préférait teindre sa musique du folklore tiré de l’âme bantoue. Mais pour ces deux tendances dominantes entre Kallé et Franco, la disparité fut manifeste.
Kallé très bon musicien mais compositeur moyen « plagiait » légèrement, mais possédait le bon sens d’innover intelligemment son rythme. Il est vrai que Franco influencé autant par l’instinct personnel que par une quelconque mouvance extérieure créa un style de du terroir, à lui, nommé Odemba, plus inspiré l’âme du jazz. Ainsi pour le chanteur Kallé et Franco instrumentistes peignant la société, la comparaison ne peut-être établie équitablement d’autant que l’artiste à la voix suave (Kallé) entretenait plus son vocal et le guitariste (Franco) semblait favoriser d’avantage son rythme. Curieusement, aujourd’hui, les jeunes de cette nouvelle génération jettent leur dévolu sur le style de l’African jazz dit familièrement « style fiesta » de Grand Kallé avec comme animateur principal Rochereau. Presque en voie de disparition, celui de Franco qui paraît trop saccadé dans sa mixture et trop dansant avait été plus à la mode vers les années 62 et 69 avec les orchestres Négro Succès, Dynamique Jazz, Conga Jazz, Kin Bantous et Los Angelos du fameux guitariste Ngambo Diamant et du bassiste réputé Lasso.
La passion pour la politique
Au cours de ce cinquantenaire, la recherche de l’excellence fut à l’honneur. Le guide Mobutu joue un rôle primordial de mécène pour la vulgarisation de notre musique. Constatant l’imparfaite connaissance des zaïrois en musique, il s’investit personnellement en rassemblant tous les vieux musiciens oubliés en les ressuscitant grâce à l’enregistrement d’une anthologie musicale reprenant toutes les meilleures chansons d’autrefois. Mobutu trouvait anormal que son peuple oubliât même l’histoire de la vie artistique de ses enfants pendant qu’ils connaissent par cœur la vie de Mozart et autres Wagner jusqu’à ne pas ignorer la chronique de leurs vies amoureuses à commencer par les noms de leurs maîtresses comme si les musiciens zaïrois n’avaient ni talents, ni vies amoureuses dignes d’être connues par la postérité.
En vue de remédier à cette carence, il se mit à encourager nos artistes sans exceptions en les assistant dans leurs entreprises. Dans cet élan de promouvoir notre musique, le gouvernement organisait des festivals internationaux de musique et fit venir au pays des musiciens étrangers tels que James Brown, Pacheco, Celia Cruz, Johnny Hallyday, Ray Baretto (percussionniste), les Spiners, les Jackson Five, Charles Aznavour sans oublier Claude François qui, à travers de ses danseuses « les Claudettes », inspira Rochereau pour ses rocherettes. Notons que par leur présence au Zaïre, James Brown influença largement avec sa musique soul Franco et l’orchestre Négro Succès. Peu à peu, notre musique s’ouvrit au monde extérieur. Rochereau qui avait pris valablement la relève de l’African jazz en 1963 se produira en 1970 à l’Olympia de Paris et fut consacré vedette internationale de la chanson à l’instar de l’ivoirien François Louga et du Camerounais Dibango.
Ce fut une fierté nationale car la chanteuse Abeti Massikini s’y produira également à deux reprises avant de filtrer avec le Carnagie Hall aux Etats-Unis et le Zénith à Paris en compagnie d’Emeneya et de Pépé Kallé.
En effet, depuis 1960, la musique congolaise s’est vue dépossédé de ses meilleurs musiciens dont la plupart mourrait dans un dénuement total. Parmi les illustres disparus, l’on compte : Dr Nico, Mujos, Vicky, Bokelo, Lucie Eyenga, Mpongo Love, Abeti, Bavon, Wendo, Madiata, Madilu, Franco, Kallé, Empopo, Jo Mpoyi, etc. Ces départs bien qu’affectant le cours de notre hisoire n’apportèrent pas un coup dur à notre musiquemarquée de temps en temps par une relève sûre des talents comme Jossart, Wemba, Koffi, Emeneya, Wazekwa, Karmapa.
Les Ray Lema, Lokwa Kanza, Jean Goubald, j’Affroz Ngoyles initiateurs de notre musique comparée de recherche nous apportent également beaucoup d’espoir pour le futur. A eux se joignent irrésistiblement le nouveau courant musical de Wenge dont l’actuel apport vient de révolutionner socialement et artistiquement notre monde musical. Car, si hier nos musiciens mourraient dans la pauvreté, aujourd’hui les données ont changé. Le seul hic déplorable pour cette génération est qu’elle imbue d’indécence et de manque de rectitude morale. En plus, elle se croit déjà arriver malgré une certaine inexpérience. Souvent, elle s’attribue de tous les mérites et bafoue aux pieds ceux qui leur avaient pourtant balisé le chemin… S e rendent-ils compte du mal qu’ils font et de l’opprobre qu’ils crachent sur les mémoires des anciens ? Il est temps qu’ils se ressaisissent. Ceux là méritent notre considération d’autant qu’ils eurent à traverser des déserts en pratiquant l’art pour l’art, afin que naissent aujourd’hui de nouvelles races musicales prêtes à conquérir le monde.
Lundi le 07/03/2011
Source: lareference.cd
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